lundi 28 octobre 2013

De l'importance de la prescription (en matière commerciale et ailleurs)

Partant d'un nécessaire exercice de simplification juridique (250 délais différents existaient), la réforme de  la prescription intervenue en 2008 a eu pour effet le plus évident et le plus immédiat de raccourcir ce délai en matière civile comme commerciale à 5 ans.

Auparavant, la prescription était de 30 ans (10 ans en matière commerciale).

Rappelons que la prescription est soit acquisitive (elle permet à son terme d'acquérir un droit ou un bien) soit extinctive (elle interdit alors l'exercice d'un droit, généralement matérialisé par le biais d'une action en Justice).

Ce second type de prescription est bien évidemment le plus pratiqué dans le cadre d'actions de recouvrement ou de poursuites judiciaires.

Car si 5 ans semble un délai raisonnable pour agir en Justice (Rappelons en effet que la manière la plus évidente de stopper le cours de la prescription est d'entamer une action judiciaire), la pratique nous apporte une vision différente de la question.

En effet, certaines circonstances peuvent amener le délai de prescription à être fortement entamé lors de la bascule de l'affaire aux services contentieux: longues négociations, oubli, dossier repris par différents interlocuteurs successifs, désorganisation du service en charge de la gestion du dossier...

En outre, dans certains domaines, la prescription est plus courte que le délai quinquennal ci-dessus visé; ainsi:

- En matière d'opération de transports, le délai pour agir des différents intervenants est fixé à un an à compter de ladite opération (L133-6 du Code de Commerce)
- En matière d'action de professionnels à l'encontre des consommateurs, le délai de prescription est fixé à 2 ans (L137-2 du Code de la Consommation)

On comprend alors que la question de la prescription puisse devenir central dans le traitement d'un dossier contentieux: il peut astreindre à réduire la phase de négociation pour engager plus rapidement les poursuites judiciaires pour interrompre le cours de la prescription ou encore examiner précisément si cette dernière est acquise ou non.

Une connaissance des circonstances pouvant interrompre le cours de la prescription et de la Jurisprudence existante en la matière est donc indispensable à tout spécialiste du recouvrement.

Exemple de Jurisprudence récente (2e Civile, 26/09/2013):

Suite à un litige entre un créancier et son débiteur sur les sommes restant dues, une action est introduite par le premier devant le Tribunal compétent, visant à la nomination d'un d'expert chargé de trancher ce litige.

La juridiction accède à la demande et,comme c'est de coutume en la matière, demande la consignation de sommes à titre de provisions sur les frais d'expertise.

Or, en l'espèce, les sommes ne sont jamais consignées par le créancier.

Par la suite, ce dernier entame une nouvelle action que le débiteur combat alors en soulevant la prescription.

La Cour d'Appel reconnaît le bien fondé de l'argumentation du débiteur, estimant que l'effet interruptif de la première action visant à la nomination de l'expert avait disparu suite à la caducité de ladite nomination faute de consignation.

La Cour de Cassation casse cette décision.

Ici est une nouvelle fois affirmée l'effet interruptif quasi absolu de l'assignation introductive d'instance, quelle que soit la suite qui y est donnée.

 

vendredi 11 octobre 2013

La Saisie Attribution, Voie royale pour l'exécution forcée d'un recouvrement ?

C'est une des conclusions que l'on peut tirer de plusieurs années de pratique de l'exécution judiciaire.

Pourquoi ?

Pour deux raisons principales:

- D'une part, la procédure de saisie attribution est rapide, comparée à d'autres voies d'exécution; et ce, pour un motif simple: elle porte sur une créance, une somme d'argent, qui peut être appréhendée, mobilisée et reversée à l'huissier, et in fine au créancier poursuivant; l'autre procédure la plus pratiquée en matière d'exécution, à savoir la saisie mobilière, est plus lourde (obligation d'inventaire, d'affichage des placards, enlèvement des meubles, mise en vente aux enchères...) et donc plus longue pour aboutir à un reversement.

- D'autre part, elle opère dès qu'elle est pratiquée un transfert du patrimoine du débiteur à celui du créancier. Dès lors, les événements qui pourraient toucher le débiteur (on pense ici à une hypothétique Procédure Collective), sont indifférents, et n'aboutiront pas à la remise en cause de la procédure entamée.

Il faut considérer ici qu'on ne parle pas uniquement des saisies pratiquées entre les mains d'Etablissement de Crédit, qui sont certes les plus communes, mais également de celles pratiquées entre les mains d'un client de votre débiteur.

On voit là l'intérêt, au -delà de l'aspect préventif, de bien connaître son client/débiteur et notamment la structure du portefeuille-client de ce dernier...





vendredi 4 octobre 2013

Quelques précisions promises

Lors d'une récente intervention, j'ai eu l'occasion de débattre avec des professionnels du Droit de l'application de certaines règles et procédures.

Il est utile de préciser que le sujet de cette intervention d'une heure était l'organisation de son recouvrement.

Ma casquette d'ancien du recouvrement m'a sans doute desservie lors de cette présentation, puisqu'il m'a été reproché à son issue, par un des professionnels suscités, de ne pas donner une vision complète du Droit applicable, en ne présentant pas les moyens de défense du débiteur.

Effectivement, dans mes formations, mon objectif principal est de donner aux entreprises les moyens de défendre leurs intérêts, en maîtrisant leurs impayés et en les recouvrant.

La durée des stages et des interventions ne me permettent pas généralement de présenter de façon approfondie un des rôles du Juge de l'Exécution, magistrat auquel une personne peut s'adresser s'il entend contester la manière dont se passe l'exécution d'une décision de Justice.

A cela, je préfère former mon auditoire à organiser leur process de recouvrement, leur enseigner les techniques de négociations téléphoniques ou à remplir de façon efficiente une requête en injonction de payer.

Je précise à toutes fins utiles que les méthodes que j'enseigne sont à l'opposé de ce qu'on peut voir dans certains reportages sensationnalistes: Ces pratiques peuvent apparaître au yeux de certains néophytes comme habituelles de la profession, alors qu'elles en constituent clairement l'exception.

Mais personne n'est à l'abri d'un amalgame...

Ceci exposé, à l'issue de ladite intervention, je me suis engagé à clarifier mes propos, afin d'apporter une information complète à l'ensemble de l'assistance.


La procédure de chèque impayé:

A partir du moment  où vous disposez d'un chèque impayé pour défaut de provision, vous pouvez obtenir, de la banque émettrice, en l'absence de régularisation du débiteur, un certificat de non paiement.

Ce document, transmis à un huissier territorialement compétent, pourra être rapidement transmis à un huissier, être converti en titre exécutoire, équivalent à un titre de Justice.

Aucun passage devant le Tribunal n'est nécessaire pour l'obtention du Titre exécutoire, tout comme pour certains actes notariés.

Quelques textes de référence en cliquant ci-dessous:

- Sur la procédure de chèque impayé

- Sur le fait que le titre délivré par l'huissier soit exécutoire

La valeur probante des emails:

Cette question mériterait beaucoup plus que les quelques lignes que je vais lui consacrer.

La base tout d'abord, notamment posée par l'article 1316-1 du Code Civil:

"L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité."

La première partie correspond à la position de mes interlocuteurs puisque le Législateur établit effectivement que l'écrit électronique a une valeur équivalente en matière probatoire que support traditionnel, le papier.

La deuxième partie pose néanmoins une limite qui fera que la production d'un email pourra être contesté avec succès devant un Tribunal, en l'absence de process de certification, ce qui concerne aujourd'hui la quasi-totalité des professionnels.

Une Jurisprudence existe aujourd'hui de manière relativement étoffée en la matière, complétée par plusieurs arrêts de la Cour de Cassation, dont on citera notamment les décisions suivantes :

- Est cassé l'arrêt de la Cour d'Appel qui "ne pouvait [...] opposer la présomption de fiabilité édictée par l'article 1316-4 du Code civil, sans rechercher, comme elle y était invitée [...], ni constater qu'ils avaient été établis et conservés dans les conditions de nature à garantir leur intégralité et qu'ils portaient une signature électronique sécurisée, établie grâce à un dispositif sécurisé de création de signature électronique et dont la vérification reposait sur l'utilisation d'un certificat électronique qualifié ; que la cour d'appel a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1316-1, 1316-4, 1324 du Code civil et 287 du Code de procédure civile" Arrêt complet ici.


- Pour un Arrêt de la Cour de Cassation admettant les courriers électroniques (présentés comme des bons de commande) comme simple commencement de preuve, insuffisants à eux seuls pour apporter la preuve formelle de l'engagement du débiteur, lire ici.

C'est la raison pour laquelle je sensibilise les publics de mes interventions au fait qu'un bon de commande signé vaudra toujours mieux que des mails échangés; le risque existe, de façon certes limité, mais n'est pas à négliger dans le cadre d'une prévention de ses impayés vis à vis d'un client indélicat. 

N'hésitez pas à commenter cet article et apporter toute précision s'il vous semble incomplet (il l'est très certainement!).